DIETETIQUES … !

Posté le 17 Oct 2022
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« Les maladies entrent par la bouche et sortent par la bouche »

Aphorisme chinois

L’être humain est le seul être vivant qui cuisine et apprête sa nourriture. Manger cuisiné est même une excellente  définition de l’être humain aux yeux de la Tradition chinoise. L’acte de vie n’est pas l’acte alimentaire mais bien l’acte culinaire et diététique.

L’acte de manger enracine l’humain au sein de son environnement car il se réalise essentiellement par son contexte alimentaire au même titre qu’il se réalise par la qualité de l’air qu’il respire. La nourriture renforce le lien capital pour notre équilibre qui existe entre l’Interne et l’Externe. L’être humain est le seul être vivant qui ne se nourrit pas d’aliments, mais quasi uniquement de cuisine.

Les aliments cuisinés construisent l’homme au fil du temps, élaborent son identité dynamique au travers de ses mutations, des changements qui l’affectent, des séquelles de santé ou de maladies, qui sont autant de points d’inflexion de sa vie. L’humain est constitutif de son environnement et l’environnement est constitutif de l’humain. 

La liaison dynamique et harmonieuse entre ces deux pôles de vie se réalise par la cuisine.

Le fait que chaque environnement génère sa cuisine n’est pas à considérer simplement comme l’expression d’une cuisine du « terroir » voire « traditionnelle » mais bien plutôt comme la conséquence d’une harmonie alimentaire qui se construit par les contraintes du milieu de vie et celles de l’adaptation permanente de l’homme à ces contraintes, lesquelles, sont alors autant de véritables dynamismes. 

L’aliment est donc loin d’être premier dans la confection d’un plat et la dimension préventive et globale de la Tradition chinoise trouve avec la diététique sa plus forte expression ! 

L’OCCIDENT

La nutrition occidentale est relativement jeune et envisage principalement les notions de calories, de molécules chimiques (acides aminés vitamines – enzymes – protides – glucides – lipides – minéraux) qui composent les aliments et notre corps. Son approche analytique de la nutrition et des aliments, est fondée sur une représentation exclusivement physique et bio-chimique du corps.  

La nutrition occidentale travaille sur les quantités, les poids et les mesures des aliments, ne tient pas compte des saisons, impose des horaires fixes à tout le monde. Elle privilégie l’intellectuel et les études pour dicter des normes et « diaboliser » ou pas certains aliments selon l’avancée des connaissances scientifiques.

Cette religion des vitamines et des minéraux conduit à privilégier de façon disproportionnée certains aliments comme les fruits exotiques et les produits laitiers. Cela au détriment de nos intestins et de nos défenses immunitaires. 

Car l’immunité au sens large, dépend de l’écosystème intestinal et ce jusqu’à quatre vingt pour cent selon certains spécialistes. Et plus que le nombre de cellules immunitaires, c’est la qualité des muqueuses intestinales produisant du mucus auquel « colle » le microbiote, qui est responsable de la capacité de filtration de ce qui pénètre dans l’organisme, et de la réponse immunitaire qui s’en suit éventuellement.

Cet ensemble « muqueuse-mucus-microbiote » empêche bactéries et virus de proliférer puis de pénétrer dans le système corporel. Il influence aussi la qualité de la répartie immunitaire avec laquelle il dialogue. Un microbiote en bonne santé régule et limite les inflammations chroniques lesquelles expliquent la plupart de nos pathologies modernes que sont les virus, les cancers, les allergies et les maladies auto-immunes, qui sont tous en très forte recrudescence.

L’ORIENT

La diététique Traditionnelle chinoise, quant à elle, n’est pas une invention ou une création mais le fruit de siècles d’observations et d’expériences. C’est une tradition millénaire qui s’appuie sur une représentation énergétique de l’être humain et de ses inter-actions avec son milieu de vie, ainsi que sur une connaissance subtile des aliments. 

Elle considère la Nature, la Saveur et le Tropisme des aliments, leurs qualités asséchantes ou humidifiantes, la texture ou la couleur, la découpe, le mode de cuisson, la polarité Yin-Yang ou le Mouvement induit par l’aliment.

La Tradition travaille sur la « Qualité » des aliments et tient notamment compte des saisons, n’impose pas d’horaires fixes, mais adaptés à la constitution de la personne, à sa période et à son lieu de vie, ainsi qu’à son état de santé. 

La diététique chinoise privilégie l’instinct, l’intuition, les traditions et l’expérience pour conseiller des routes à suivre. Elle ne diabolise rien, mais préconise le bon sens, la modération, ou l’éviction temporaire de certains aliments selon la personne ou la saison. 

L’obésité est plutôt rare en Chine et ce car les chinois bénéficient d’une sorte de sagesse gastronomique familiale qui perdure depuis des générations. Ce réflexe alimentaire induit en effet au quotidien une alimentation globalement bien plus équilibrée que notre alimentation occidentale. Toutes proportions gardées et malgré des conditions de vie difficiles le peuple chinois souffre assez peu de maladies dégénératives ou de troubles tels le diabète, l’obésité, ou encore le cholestérol !

LES PRINCIPES DE BASE

Une légende chinoise raconte qu’un cuisinier inventa pour son Empereur une soupe à la cannelle qui lui évitait de tomber malade à l’automne. En guise de remerciement il fut nommé premier ministre. 

Cela se passait environ deux siècles avant notre ère. Il s’agissait en réalité de montrer au Peuple combien l’alimentation était importante, voire capitale. Cette anecdote nous fait découvrir à quel point la Tradition accorde de la place au choix de l’alimentation, notamment en fonction de la personnalité énergétique de chacun mais aussi en fonction de la saison en cours et de celle à venir. 

Les aliments sont avant toute chose envisagés et choisis, préparés et dégustés d’un point de vue de leurs apports en termes de santé et de bien être. La diététique Traditionnelle chinoise combine très adroitement ces deux principes en apparence fort éloignés l’un de l’autre, que sont le Plaisir et la Sagesse. 

Elle repose sur quelques grands préceptes :

  • Le Yin et la diététique préventive : connaître les recettes transmises par les maîtres
  • Le Yang et la diététique curative :  s’adapter à l’individu, à la saison, au lieu, à son état énergétique
  • L’art de cuire par l’eau et par le feu
  • La consistance 
  • Le mouvement induit
  • L’art de découper et de marier les cinq couleurs, les cinq Natures et les cinq Saveurs 

Elle nous invite à une approche plus globale et plus raisonnée des aliments. Ceux-ci sont principalement envisagés du point de vue de leur Saveur et de leur Nature. 

La Saveur est le Tropisme de l’aliment, c’est à dire l’Organe Interne qui sera « touché » en première instance par l’aliment en question. Tandis que la Nature d’un aliment est l’effet thermique généré par ce dernier dans le corps après  son ingestion.

 

LES ALIMENTS :
  • Froids réduisent le Yang
  • Frais produisent du Sang et des Liquides Organiques
  • Neutres produisent du Qi
  • Tièdes augmentent le Yang
  • Chauds chassent le Froid

Dans ces principes énoncés par la Tradition, les Saveurs influent profondément sur les Organes, peuvent en renforcer ou en modifier le Qi et donc avoir une autorité forte sur le fonctionnement même de ces Organes. 

Cela est également vrai pour les textures, les couleurs et les odeurs, les modes de cuisson, la découpe, la présentation !

Ces différents principes sont toujours envisagés et considérés du point de vue de leurs incidences physiologiques et du point vue de leurs incidences émotionnelles sur leurs Organes cibles et donc sur chacun des Cinq Mouvements qu’ils Gouvernent. 

Leurs actions sont globales et portent sur l’ensemble Corps-Esprit d’un Etre Humain !

Enfin la Tradition accorde une importance déterminante à la saisonnalité des aliments, car les saisons ont une incidence forte concernant la bonne circulation du Qi. En effet nos propres Mouvements de Circulation énergétique Interne sont semblables aux Mouvements énergétiques saisonniers.

Les aliments et les recettes envisagées le sont en cohérence avec nos modes de vie occidentaux et les étals de nos marchés locaux

Celui qui ne sait pas manger correctement n’est pas capable de vivre

Sun Si Miao

La base de la pyramide alimentaire Traditionnelle est logiquement constituée par les céréales, les légumineuse et les légumes. 

Bien cuites pour pouvoir être facilement assimilables, les céréales constituent la base de l’alimentation de tous les peuples du monde et doivent figurer à chacun de nos repas. Nutritives et digestes, de Saveur généralement Douce les céréales tonifient et renforcent la Rate.

Les légumineuses sont très nutritives et particulièrement indiquées aux saisons froides. Elles sont un complément idéal de protéines végétales et contiennent les huit acides aminés essentiels – tout comme les céréales – mais en proportions différentes. 

De Saveur Douce, elles tonifient le Qi, fortifient la Rate et l’Estomac, renforcent la digestion. Elles favorisent aussi la diurèse et du fait de leur très faible indice de glycémie les légumineuses sont de véritables atouts nutritionnels. Elles sont très rassasiantes et accompagnées de légumes elles favorisent l’équilibre alimentaire de base.

Les légumes sont un complément savoureux et indispensable aux céréales et aux légumineuses. Ils développent Saveurs et Couleurs, Textures, Natures et Parfums indispensables à notre équilibre. Les légumes permettent de s’adapter à la saison en cours, de corriger ou d’équilibrer toute situation qu’elle soit pathologique ou pas. Ils doivent être de tous les repas.

Les racines et les tubercules qui se développent sous terre sont généralement de Saveur Douce à Neutre, ce qui leur donne des propriétés – à l’instar des céréales et des légumineuses – de tonification de la Rate et de l’Estomac, tout en fortifiant les capacités digestives. Cette variété de légumes – particulièrement reconstituante – convient très bien aux plats mijotés ou aux soupes d’hiver.

Les algues qui peuvent être considérées comme des légumes marins sont de Nature Froide à Fraiche et de Saveur Salée. 

Les fruits sont une excellente source de Couleurs, de Saveurs, et de précieux nutriments pour le corps, ils sont hydratants et génèrent des liquides corporels.

La Saveur Acide des fruits induit une action astringente, tandis que la Saveur Douce a une action tonifiante. La combinaison des deux hydrate le corps et les tissus, génère des liquides, étanche la soif. De Nature variée, de Froide à Tiède, ils permettent aussi d’être en accord avec la saison et avec le lieu de vie.

Les produits d’origine animal ont une place dans la diététique chinoise … mais une place bien moindre qu’en Occident. 

La viande – généralement de Saveur Douce – est un tonifiant, un fortifiant et un reconstituant de l’organisme en général. La Saveur Douce s’adresse en particulier à la Rate et à l’Estomac qui sont la base de la production du Qi et du Sang – la nourriture de nos Organes … !

Dans la Tradition la viande est considérée comme un condiment et consommée en très très petite quantité. Une alimentation trop carnée à pour conséquences l’apparition d’une longue série de troubles de la santé.

Les oeufs sont très nutritifs – de Saveur Douce et de Nature neutre – ils apportent beaucoup de protéines et tous les acides aminés essentiels au corps. Du fait de cette richesse nutritive ils sont parfois plus ou moins bien tolérés mais peuvent être utilisés régulièrement en l’absence de symptômes.

Les poissons sont le plus souvent de Saveur Douce avec un Tropisme pour la Rate et l’Estomac, caractéristiques qui leur permettent de renforcer et tonifier, nourrir et reconstituer sans faire Stagner le Qi. Ils sont tout à fait indiqués en cas de faiblesse digestive par exemple.

Les fruits de mer sont de Saveur Salée et donc associés aux Reins qu’ils renforcent et tonifient.

Le lait est un aliment très riche et les enzymes qui permettent de le digérer ne sont plus ou à peine présent chez l’adulte. Les produits laitiers sont donc particulièrement indigestes et doivent être consommés à titre exceptionnel.

Les corps gras qui contribuent à la nutrition cellulaire sont utiles à notre organisme en très petites quantités. Les huiles végétales de première pression à froid et non raffinées sont indiquées. Un peu de beurre cru est toléré.

Les épices et les condiments – très riches en Saveurs – vont servir à rehausser les plats, en revanche ils sont généralement de Nature Tièdes à Chaudes voir très Chaudes et s’ils stimulent la digestion ils doivent pourtant être utilisés avec circonspection du fait de leur Nature échauffante voire de leur Saveur Piquante. 

Le sel doit se faire le plus discret possible, surtout sur la table … Si en petite quantité il tonifie les Reins il peut gravement les blesser s’il est consommé en trop grande quantité. Il vaut mieux développer les Saveurs des plats avec des condiments, de la sauce soja, du miso, de la poudre d’algues ou du gomasio (du sel mélangé à du sésame noir).

Le sucre quant à lui, est la concentration – toxique – de la Saveur Douce. L’idéal étant de ne jamais consommer de sucre « ajouté »  Celui contenu dans les aliments – les fruits principalement – devant nous suffire amplement. Et de toute évidence préférez toujours des sucres naturels et non raffinés, voire du miel pour votre consommations de douceurs.

L’acte de bien se nourrir induit donc forcement une relation respectueuse, dynamique et vertueuse avec ceux qui nous entourent et le milieu de vie dans lequel nous évoluons. Mais c’est aussi et surtout une manifestation de notre liberté individuelle et de nos aspirations à un « mieux vivre » lesquelles consistent à mon sens, d’abord et avant toute chose en une ré-appropriation de notre santé physique et mentale.

Bien se nourrir serait-il alors un acte éminemment social et profondément politique … ?

L Mouton / Fondateur – Gérant

© Fleur d’Océan 2.0 Octobre 2018

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